Tebas, le critique en chef de la Liga : la télévision et les clashes qui mettent le championnat espagnol à nu

Contexte et polémiques récurrentes

Javier Tebas, président de la Liga, apparaît de temps en temps dans les médias pour des déclarations souvent controversées, portant sur des entités et des personnalités à travers l'Europe.

Tebas est peut-être le président de ligue le plus connu du monde, notamment pour ses prises de position répétées au fil des années.

Au lieu de se concentrer sur le développement de la Liga et sur la valorisation du championnat, profitant de la présence des deux géants, le Real Madrid et le FC Barcelone, et de leurs stars, Tebas préfère jouer le rôle du critique sportif, en visant presque tout et n’importe quoi.

Sa dernière intervention met en doute la blessure de Lamine Yamal, jeune attaquant du Barça, en insinuant: « J’ai vu ce film auparavant… le joueur qui se blesse subitement ». Une pointe d’ironie qui n’a pas manqué de faire réagir dans les médias.

Quelques jours plus tôt, Tebas avait livré ses critiques habituelles, attaquant Manchester City et Paris Saint‑Germain, tout en visant les clubs de Premier League en général.

Il a notamment déclaré: « En Angleterre, ils s’inquiètent déjà du niveau de la dette dans le football anglais. C’est une compétition qui perd de l’argent en continu. »

Il a poursuivi: « Vous pouvez perdre un an, deux, trois, mais jamais quatre, cinq, six, sept, huit ou neuf ou dix. Comme Manchester City, qui perd de l’argent et triche depuis l’arrivée de ses nouveaux propriétaires… ou Paris Saint‑Germain, qui a subi des pertes de 200 millions d’euros pendant sept années consécutives. »

Et pourtant, selon lui, la Ligue se bat et les résultats existent… « nous sommes en tête avec 30 titres européens de plus que la Premier League dans ce siècle », affirme-t-il.

« Je suis madrilène… mais »

Généralement, les responsables du football évitent d’afficher leur allégeance sportive, par souci d’impartialité. Tebas, lui, suit un chemin différent, affirmant ouvertement son soutien au Real Madrid, club actif dans la ligue qu’il dirige.

Il est toutefois clair que ces déclarations pro-Real Madrid ne reflètent pas une simple affinité, mais une manœuvre qui semble viser à affaiblir l’adversaire sans équivoque, plutôt que d’accuser ouvertement d’hostilité.

Depuis son accession à la présidence de la Liga en 2013, Tebas n’a pas hésité à lancer des critiques du Real Madrid sur le projet de Super League et sur la politique de dépenses et de transferts menée par Florentino Pérez.

Tebas estime que le Real Madrid cherche à dominer le football européen par des moyens qui déstabilisent l’équilibre compétitif, jugeant que le projet de Super League menace l’ossature du football espagnol et mondial.

À l’inverse, les dirigeants madrilènes accusent le président d’un biais flagrant contre le club, notamment en ce qui concerne les droits télévisuels et la répartition des revenus, arguant que les décisions n’avantagent pas suffisamment les grands clubs.

La tension s’est intensifiée ces dernières années, en particulier après les prises de position publiques de Tebas contre le Real Madrid sur des questions d’arbitrage et de financement des grandes opérations, alimentant un clivage inquiétant.

Malgré les tentatives de recentrement, le clash entre le Real Madrid et Tebas semble s’inscrire durablement dans le paysage de la Liga, illustrant un conflit plus profond entre une vision traditionnelle du championnat et le désir des grands clubs d’élargir leur influence financière et sportive.

Cauchemar de la Premier League

On reproche largement à Tebas son incapacité à développer la valeur marketing de la Liga au même niveau que la Premier League, malgré une opportunité historique ces dernières années.

Pendant les quinze dernières années, la Liga a accueilli des stars comme Lionel Messi, Cristiano Ronaldo et Neymar, une période appelée « l’âge d’or », qui n’a toutefois pas été pleinement traduite en succès marketing durable.

En revanche, la Premier League a construit un système marketing et médiatique intégré qui en fait la marque la plus puissante du football mondial, grâce à une gestion professionnelle et à un investissement intelligent dans les droits télévisuels et la présence digitale.

Pendant ce temps, Tebas n’a pas réussi à convertir l’éclat des stars de la Liga en gains durables; les audiences et les droits télé restent en-deçà des attentes après le départ des joueurs-vedettes comme Messi et Ronaldo, ce qui met en évidence une vision stratégique qui manque de continuité.

La période Tebas a aussi été marquée par des conflits politiques et administratifs, avec le Real Madrid, Barcelone et l’UEFA, qui ont dispersé les efforts et sapé la capacité de la Liga à s’imposer sur la scène mondiale.

Aujourd’hui, Tebas se retrouve dans le collimateur des critiques: la Liga passe d’un « foyer des légendes » à un championnat qui souffre d’un déclin apparent de l’attractivité commerciale et de la compétitivité face aux autres grands championnats.

Tout cela s’explique en partie par l’échec perçu depuis 2013, anneau au cours duquel Tebas a privilégié la critique plutôt que des mesures concrètes pour placer la Liga au sommet du football mondial, en phase avec les ambitions des clubs et des joueurs qui veulent dominer les scènes sportives et économiques.

Et pour finir sur une note légère: si la Liga est un film, Tebas en est le critique qui ne peut s’empêcher de commenter les scènes même quand il est écrit « fin ». Deux punchlines plus tard, on se demande si le générique va s’arrêter ou si la Liga va se rallumer comme un vieux téléviseur: ça dépend surtout des droits, des sponsors et des fans qui n’en peuvent plus de ce feuilleton.